Qu’est ce qu’une frontière naturelle ?
Les Pyrénées sont une chaîne de montagne localisée au sud-ouest de l'Europe. Elles s’étendent en longueur selon une direction est-ouest sur une distance approximative de 430 kilomètres depuis la mer Méditerranée (Cap de Creus) jusqu’au golfe de Gascogne (Cap Higuer). Culminant à 3 404 mètres d'altitude au pic d’Aneto, les Pyrénées forment une véritable barrière géographique séparant la péninsule ibérique au sud du reste de l'Europe continentale au nord.
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Image 3D de la chaîne des Pyrénées au Pays Basque |
Ainsi la chaîne des Pyrénées fut considérée comme une des frontières naturelles dont parlait Danton à la tribune de la Convention en 1793 : « Les limites de la France sont marquées par la nature, nous les atteindrons des quatre coins de l’horizon, du côté du Rhin, du côté de l’Océan, du côté des Alpes. Là doivent finir les bornes de notre République. » Cette idée était également soutenue par Turgot er Herder. Auparavant il y existait une volonté de la part de Louis XIV d’assurer un espace le plus linéaire que possible, pour y parvenir, il dressa une stratégie qui visa au renforcement des défenses aux frontières septentrionales et orientales, selon la stratégie du pré carré, qui fut théorisée par Vauban grâce à la construction de nombreuses fortifications afin de protéger les espaces appartenant au royaume, dont les fortification des Pyrénées, au Pays Basque à Saint Pied de Port.
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Fortifications à Saint Jean Pied de Port |
La notion de frontière naturelle a été utilisée de manière particulièrement fréquente à partir du XIXè siècle, afin de discuter et de légitimer l'étendue du territoire des différents États européens ou territoires coloniaux. Ce concept est basé sur la présence d’accidents géographiques particulièrement visibles qui permettent de légitimer l'existence de frontières, et ainsi contribuer à la délimitation de l’extension du territoire.
Pourtant, la géographie contemporaine a montré comment, malgré les argumentations politiques, le tracé des frontières évolue au gré des évènements politiques et n'est pas déterminé par des phénomènes naturels. Elle a également montré comment les espaces que l'on considère comme "frontières naturelles" sont parfois au cœur du territoire d'une société. Ainsi, les discontinuités naturelles ne se superposent pas nécessairement avec les limites ethnographiques et culturelles d’une région : le cas du Pays Basque franco-espagnol permet de l’illustrer.
Des géographes ont pris le parti de considérer les frontières comme construction humaine et artificielle. Pour eux, une frontière est le fruit de rapports de force et de négociations entre des forces politiques. Élisée Reclus, dans l'Homme et la Terre (1905), le signale : « Le cas des îles mis à part, toutes les bornes plantées entre les nations sont des œuvres de l’homme ». Ainsi, le géographe Jacques Ancel, dans son ouvrage Géographie des frontières (1938), réaffirme cette position en définissant la frontière comme « un « isobare politique », qui fixe, pour un temps, l’équilibre entre deux pressions ; équilibre de masses, équilibre de force » déterminé de manière artificielle.
Toutefois, l'utilisation de l'expression « frontière artificielle » a commencé elle aussi à être critiquée par de nombreux géographes dans les années 1980, voire surtout 1990, dans la mesure où elles renvoyaient à des erreurs du passé, notamment des colonisations et décolonisations.
On peut donc conclure qu’il y a deux théories qui s’opposent sur la détermination des limites du territoire français, d’une part le concept de frontière naturelle et d’autre celui de frontière artificielle, dès nos jours on ne peut pas décider qu’elle est le concept adéquat… On pourrait donc s’interroger sur l’existence d’une “bonne frontière” qui illustre la réalité sociale de la région. Chez le côté espagnol, la réflexion sur les frontières a été moins importante, elle s’est limitée à l’acceptation du Traité des Pyrénées qui formalisa une paix conclue entre le Royaume d’Espagne et celui de France.
Les Pyrénées sont ainsi une barrière géographique, pourtant des deux cotés de cette chaîne de montagne on constate une similitude entre la faune et la flore présente, frontière n’est pas lisible à l’œil nu comme dans d’autres pays. De même, les activités agricoles qui se déroulent sont un élément caractéristique de cette région. On centrera notre analyse sur l’aire concernant les Pyrénées Atlantiques qui comprend les Montagnes Basques près du Golfe de Gascogne.
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Vue aérienne de la frontière. |
Cette zone montagneuse est identifiée par l’abondance de précipitations, cela se reflète dans la couleur verte qui embellit le paysage basque. Dés deux cotés de la frontière, on trouve une végétation variée, ce qui illustre la richesse du territoire. On trouve majoritairement des forêts à feuilles caduques comme les chênaies ou les hêtraies, de même au littoral la flore est adaptée aux conditions maritimes de vent et de sel. On compte également de la lande et de la prairie maritime avec des ajoncs, de la bruyère (des sous-arbrisseaux touffus avec des rameaux munis de petites feuilles qui poussent sur des sols pierreux, poreux et secs.)
La faune présente dans ce territoire se compose d’une grande variété d’espèces. Les cerfs, les sangliers et les renards ainsi que de nombreux lapins de garenne sont des espèces communes aux paysages basques. La montagne est le refuge de nombreux rapaces dont le milan noir, la buse variable ou le vautour fauve. Ainsi, de nombreux oiseaux fréquentent les côtes basques comme le cormoran, le goéland, la mouette et l'huîtrier pie. Cette faune ne s’arrête pas aux frontière, l’exemple de l’ours permet de l’illustrer, cette espèce est souvent poursuite par les chercheurs à cause de sa constante mobilité, elle change d’habitat selon la station de l’année qui se déroule, en traversant la frontière sans en tenir compte.
On constate également des espèces propres á ce territoire comme le pottok, une race de poney d’'origine très ancienne, il présente des ressemblances morphologique avec les chevaux des peintures rupestres de la même région. Utilisé pendant des siècles par les habitants du Pays basque pour divers travaux d'agriculture, il fut également mis au travail dans les mines.
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Pottokas aux Pyrénées |
Cette diversité de faune et flore permet un fort dynamisme d’un point de vue agricole. Ainsi, le climat doux et pluvieux favorise l’agriculture. L’activité agricole au Pays Basque présente des permanences anciennes, l’élevage à viande et à lait domine sur le paysage agricole. Sur les zones plus montagneuses de Ciza, Baïgorry ou de Soule, on observe une prédominance de l’élevage ovin. Le pays basque est également réputé par leur production de brebis, qui sont notamment célèbres comme celui d’Ossau-Iraty, le Roncal ou l’Idiazabal.
D’après ces renseignements, on constate une similarité naturelle des deux côtés de la frontière, les Pyrénées sont un élément de césure entre deux paysages qui comptent une biodiversité commune.
Sommes nous face à une frontière stable ?
Néanmoins la frontière n’est pas si naturelle qu’elle le prétend. Tout au long de l’histoire des traités se sont mis en place pour consolider cette barrière qui reste ainsi un élément vague.
Le traite de Bayonne, signé le 9 mai 1492, propose à la France de récupérer tous les revenus du Roussillon, du Conflent et de la Cerdagne en échange d’un prêt de 30 000 florins. Rapidement les territoires furent administrés sur le modèle franc. La France conquiert le Roussillon militairement et la Basse Navarre reste française. En 1512 le roi d’Aragon saisit la haute Navarre et toutes les possessions catalanes de la famille Foix-Béarn.
Le traité des Pyrénées entre les royaumes de France et d’Espagne se signe le 7 novembre sur l’île des Faisans au Pays Basque. Selon l’article 42 de ce traité stipule que « les monts Pyrénées, qui avoient anciennement divisé les Gaules des Espagne, seront aussi dorénavant la division des deux mêmes Royaumes ». Le traité ne supprime pas les droits de « lies et passerines » mais ne délimite pas la frontière.
Le 9 mai 1659 un cessez-le-feu bilatéral est décrété, puis le 7 novembre 1659 eu lieu le traité des Pyrénées qui fixa la frontière entre les deux pays, mais de façon imprécise. En mars de l’année suivante les commissaires français et espagnols se réunissent à Céret pour préciser les frontières du traité. D’Août à octobre c’est la création de l’enclave de Llivia lors de ses conférences.
A la conférence de Figueres entre 1663 et 1666 a mis en question les restitutions de terres confisquées, tant aux Espagnols qu’aux Français de chaque côté de la nouvelle frontière.
En 1790 a lieu la création des départements des Basses-Pyrénées. A la moitié du XVIII siècle se signe à Bayonne le premier traité des limites. C’est la fixation de la frontière, le traité du 2 décembre 1856 délimite la frontière allant de l’Atlantique à la Table des Trois Rois (limite de la France , de la Navarre et de l’Aragon) par 272 bornes (ou croix). La borne numéro 1 est située à une quinzaine de mètres d’altitude sur la falaise rive droite de la Bisassoa , à 203 mètres au Nord-Ouest du pont de Endarlatsea à la naissance de la crête Sud-ouest de Askopé, la borne numéro 272 est une croix qui est située au col d’Anaye ou de l’Insole.
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Borne limitant la frontière franco-espagnole |
En 1875 création de la commission internationale des limites, devenue la Commission des Pyrénées, chargée d’appliquer les traités. Instituée par un échange de lettres entre la France et L’Espagne en mai 1875, la Commission internationale des Pyrénées (CIP), toujours en activité, est la plus ancienne des commissions frontalières permanentes en Europe.
On peut donc conclure que la frontière actuelle séparant la France et l’Espagne résulte d’une série de traités rédigés au long de l’histoire que se sont parfois contredits. Cela reflète donc l’instabilité territoriale subite par ces pays.la frontière actuelle reste donc un élément de référence, néanmoins elle laisse des doutes sur la véritable fonction de celle-ci. Le cas du pays basque l’illustre, la frontière se trouve au milieu d’une civilisation, est-elle donc un lieu de séparation ou un point d’union de la civilisation basque ?